Le boom de l'Internet rétrécit la mince frontière qui subsiste encore entre vie privée et vie publique, exposant les utilisateurs à une foule de dangers.
L'histoire a fait le tour du monde, créé le «buzz» en ligne, et fait pleurer des millions d'internautes. Cette histoire est celle d'un jeune cadre que nous appellerons Mbida. Ayant déclaré une maladie à son lieu de service, son patron lui accorde un congé pour la circonstance de plusieurs jours. Mais, au lieu d'aller se faire soigner, le jeune homme organise de grandes soirées festives et des virées en boîte de nuit, aux bras des filles de joie. En fait de maladie, «il souffrait plutôt d'une addiction festive», diagnostique ironiquement l'un de ses supérieurs hiérarchiques. Car, malheureusement pour Mbida, son patron découvrira des photos de lui, en pleine fête, sur Facebook et sur Twitter.
Il s'agit des clichés pris au cours des soirées arrosées auxquelles il a participées durant son «congé maladie». La majorité ayant été postée par ses amis. A son insu. Et certaines, par le malheureux lui-même… La conséquence est sans appel: licenciement pour faute lourde. Aujourd'hui, cet employé indélicat se trouve encore au chômage. Car entre temps, les employeurs se sont passés le mot. Il est devenu persona non grata dans les entreprises opérant dans son domaine de compétence. Aux dernières nouvelles, il suivrait une formation pour se recycler, et souhaiterait même changer d'identité et de visage… Des anecdotes comme celle-là écument la toile. Pour autant, les internautes ont-ils pris conscience de la gravité des dangers auxquels ils s'exposent en livrant des parcelles de plus en plus importantes de leur intimité sur Internet? Pas sûr.
En dépit de la fracture numérique, le Cameroun connaît déjà son lot de victimes d'Internet. Qui a oublié le triste exemple de la jeune étudiante de Buéa, qui posait nue faire le tour de la toile? Elle croyait l'envoyer à un «Blanc» en France. Mal lui en a pris, car, il ne s'agissait en fait que d'un plaisantin habitant la même ville. Cette blague de mauvais goût lui aura valu des moqueries sous les chaumières et dans les médias. Comme on le constate, toute information personnelle transitant par le web peut, d'un simple clic, être diffusée à l'échelle planétaire.
Cybercriminalité
Avec Facebook, Twitter, MySpace, Hi5, et tous les autres réseaux sociaux, la frontière entre vie privée et vie publique est de plus en plus mince. Et les dérives vont crescendo au fil des jours. Kendra, élève de 19 ans en classe terminale dans un lycée de Douala, raconte comment elle a failli «se suicider après avoir découvert par hasard une vidéo sur Twitter» où elle est en pleins ébats avec l'un de ses amants qu'elle venait de quitter. Mais il faut dire que dans l'ensemble, ces dérives ne sont pas encore légion au Cameroun. Toutefois, comme le prophétise Fabrice T., blogueur et webmaster, «il y a fort à parier que d'ici peu, il en sera de même dans notre pays. Le fait que l'utilisation d'Internet se généralise et que les smart phones fassent leur entrée sur le marché le préfigurent».
La cybercriminalité constitue l'un des plus graves dangers auxquels s'exposent les internautes plus particulièrement les utilisateurs des réseaux sociaux. La forme la plus répandue est ce que les spécialistes du Net appellent le «micro-phissing». Cette arnaque, l'une des plus classiques en ligne, consiste à usurper l'identité numérique d'un internaute via un réseau communautaire. Par la suite, le cybercriminel envoie des messages à tous les amis de sa victime. «Je suis à …, je me suis fait tout voler, envoie-moi un peu d'argent par Western Union. Merci d'avance. Tu me sauves la vie sans le savoir.» Certains agents commerciaux n'hésitent plus à voler l'identité de leurs concurrents les plus reconnus pour arracher des contrats.
A cause de «Places», une nouvelle application de Facebook permettant la localisation des utilisateurs, de nombreuses personnes se sont fait cambrioler. Les malfaiteurs, renseignés sur leurs iPhones grâce au nouveau logiciel, perpètrent des actes criminels en l'absence des propriétaires. Les internautes et les promoteurs de ces sites partagent la responsabilité de la recrudescence de cette forme de criminalité. Jérôme Bondu, expert en cybercriminalité, explique que «beaucoup de gens se révèlent sur leurs réseaux sociaux sans réfléchir à qui pourra utiliser ces informations» ; or, ceux-ci ignorent également que via un réseau social comme Facebook, on peut découvrir facilement le mot de passe ou la réponse à la question secrète de beaucoup d'utilisateurs, s'inquiète-t-il.
Pour leur part, les administrateurs des sites de partage ne garantissent pas une sécurité optimale aux internautes. Et on peut les comprendre, car c'est justement de cette surexposition de la vie privée que provient une grande partie de leurs gains. Les annonceurs s'arrachent d'ailleurs ces informations privées. Ce qui leur permet d'anticiper sur les attitudes de consommation de leur cible. «L'ère de la confidentialité est révolue», prononçait sentencieusement Mark Zuckerberg, le prodige fondateur de Facebook, en août dernier. Alors, «à chacun de se montrer prudent en évitant les mises à nu risquées».
Lazare Kolyang et Brice T. Sigankwé (Stagiaire)
Baba Wame : Les photos et les profils exposés sont souvent trompeurs
Enseignant à l'Esstic, il donne quelques conseils pour éviter de tomber dans le piège de certains internautes.Face aux dérives observées ces derniers temps sur la toile, faut-il se méfier des réseaux sociaux facebook, twitter, yahoomail, google?
J'ai coutume de dire qu'Internet c'est comme la vie. Faut-il se méfier de la vie ? Je ne pense pas. Il faut simplement, comme nous l'enseignent toutes les religions du monde, tirer avantage de la vie, en aimant son prochain comme soi-même. Ce qu'on ne désire pas pour soi, ne pas le faire à autrui. Il faut également savoir tirer avantage des opportunités que nous offre Internet dans la limite de la décence et de l'intérêt collectif. Si je prends pour exemple les sites web que vous citez, pourquoi se méfier de Google, alors qu'il est l'un de mes meilleurs outils de recherche jamais mis à notre disposition. Pourquoi, se méfier de Twitter, alors qu'il propose la meilleure plate forme d'information en temps réel et donc une source d'information supplémentaire.
A quels types de dangers s'expose l'utilisateur de ces réseaux sociaux?
En nous invitant à s'inscrire, les principaux sites de socialisation que sont Facebook, Myspace, Linkedln, Viadeo, Blackplanet ou Hi5, s'approprient et diffusent nos données personnelles que sont nos noms, prénoms, adresses, photos, etc. Souvent, nous n'avons pas conscience qu'il s'agit d'informations très personnelles voire sensibles (opinions politiques ou religieuses, préférences sexuelles, etc.) Autant d'informations personnelles qui circulent librement, c'est du pain béni pour les voleurs d'identités et autres fraudeurs qui pullulent sur le Web. Nous pouvons également devenir sans notre consentement la cible des agences de Marketing et de Publicité.
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