Nos enfants deviendront-ils tous des génies de l'informatique ? C'est sûr, du moins si l'on en juge par l'engouement des responsables d'établissements scolaires à promouvoir l'enseignement de l'informatique. Après l'anglais, la mode est à l'apprentissage de l'informatique à l'école. Difficile aujourd'hui de trouver un seul établissement où l'informatique n'est inscrite au programme. Il n'y a pas jusqu'au crèches (excusez du peu !) qui échappent à ce virus de l'informatique qui va finir par mordre tous nos enfants à l'école.
Le phénomène a pris tellement d'ampleur que même les établissements qui ne pensaient pas inscrire l'informatique au programme en sont obligés, simplement pour ne pas se faire larguer par la concurrence. Après tout, c'est quand même une nécessité. Plus personne, en effet, ne doute des vertus de l'informatique. Et à vrai dire, qui peut encore oser se passer des Technologies de l'information et de la communication (Tic) aujourd'hui ? Pourquoi penser que ce sont nos enfants qui y échapperaient, fussent-ils de naïfs bambinos à peine sortis du sein. L'on vous rappelle fort à propos que l'analphabète du 21è siècle n'est plus celui qui ne sait ni lire ni écrire, mais bien plus, celui qui ne maîtrise pas l'outil informatique. L'argumentaire marketing est tout trouvé. Va pour l'informatique !
Il y aura donc, dans la panoplie des interminables frais exigés à l'inscription scolaire, ce qu'on appelle "frais informatiques". Inutile de discuter. Ils sont obligatoires. Combien ça coûte? "Ce n'est pas le montant qui compte, mais l'apprentissage que nous donnons à votre enfant", entend-on dire parfois. Et vous devez vous acquitter de ces frais illico presto. Vous vous pliez, non sans frayeur. Car à côté des autres menus frais exigés (uniforme, livres, cahiers, rames de papier, boîtes de craie, serpillière, papier hygiénique…), vous vous voyez délestés de quelques 3.000, voire 5.000Fcfa par élève. Vous repartez donc le cœur léger en vous disant que, après tout, faut bien donner à votre fiston une chance de réussite. Surtout qu'on vous rassure toujours de ce que votre enfant aura "ici" le meilleur encadrement, "contrairement aux autres établissements qui prélèvent les frais informatiques et ne font rien".
Tant pis si vous vous laissez conter. Car il est bien difficile de connaître les contours de ce que l'on appelle dans nos établissements scolaires "frais informatiques". Pas plus qu'il n'est aisé de dessiner les contenus exacts de l'enseignement informatique dans nos établissements, surtout dans les écoles primaires où l'informatique, à vrai dire, n'existe que de nom, si ce n'est pour ainsi dire, caricatural. Dans bien de ces établissements dont l'outil pédagogique se situe aux antipodes de la modernité, il est difficile de trouver l'ombre d'un ordinateur. Ne parlons même pas des enseignants dont la connaissance de l'informatique ne déborde guère le cadre théorique des manuels scolaires qu'ils ont découverts en préparant la leçon de culture générale. Et pourtant on y prélève les frais informatique sans sourciller…
Alors, de quelle informatique parle-t-on ? Du langage mathématique qui forme les jeunes à la maîtrise de la technologie, de la connaissance qui confère des aptitudes en bureautique et graphisme, ou de la connaissance théorique qui permet juste à l'enfant de ne pas confondre un ordinateur à une soucoupe volante ? Très peu d'établissements, en effet, ont pu mettre en place un programme digne de ce nom qui forme véritablement les enfants à la maîtrise des applications. Et même là où l'expérience semble prometteuse, il faut se mettre à cinq sur un même ordinateur pour travailler. Dans le cas contraire, on se contentera de quelques réminiscences de l'enseignant, pour dire comment l'ordinateur permet de faire des dessins coquins, jouer au sudoku et regarder des films en Dvd. Est-ce donc ça l'informatique à l'école ? Finalement on se rend compte que les frais d'informatique ne servent qu'à enrichir le bizness des promoteurs d'établissements scolaires. Trop souvent, ils s'engraissent impunément, et ne sont même pas fichus d'acheter un ordinateur de seconde main, ne serait-ce que pour la leçon de choses. Quel gâchis ! Quel mensonge !
R.A.T.
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